Dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent

Dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent

PREAMBULE

La profession d’avocat est un acteur à part entière de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT).

 

Les organes représentatifs de la profession s’attachent à satisfaire aux nombreuses obligations qui sont les leurs en cette matière, dans le plein respect des impératifs liés au secret professionnel dû à nos clients.

 

Les Ordres, soutenus par le Conseil National des Barreaux, la Conférence des Bâtonniers et les Ecoles d’Avocats, exercent un rôle fondamental d’assistance, d’information, de formation et de contrôle.

 

I – LA RÉALITÉ DU RISQUE

I-1 Quoique réglementée, La profession d’avocat demeure exposée.

 

L’analyse Nationale des Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme en France (A.N.R.), publiée en septembre 2019 par le COLB (Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) précise à cet égard : «Le secteur non financier peut également être instrumentalisé à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme [ …] Les professions du chiffre et du droit […] sont également exposées à la menace, soit du fait de leur activité de maniement de fonds, soit du fait de leur exposition à une clientèle risquée».

 

La profession a mis au point une analyse sectorielle des risques (ASR), qui constitue la déclinaison opérationnelle de l’ANR et sur laquelle repose la mise en œuvre par les avocats de la réglementation anti-blanchiment au sein de leurs cabinets.

 

I-2 Menaces et vulnérabilités

 

Financement du terrorisme

 

En cette matière, l’ANR estime que l’évaluation de la menace et des risques n’est pas caractérisée pour les professions du droit.

 

Il n’existe en effet pas de typologies mettant en lumière une forte menace pour ce secteur, le recours à un professionnel du droit étant dans la grande majorité des cas superflu pour les montages de financement du terrorisme.

 

Blanchiment de capitaux

 

Toujours selon cette ANR, les avocats sont confrontés à la menace de blanchiment de capitaux de la manière suivante :

 

  • risque d’instrumentalisation aux fins d’élaborer des montages fiscaux ou d’autres montages complexes visant à opacifier des transactions frauduleuses ou à blanchir des fraudes fiscales ;
  • risque d’exposition aux menaces de criminalité financière, telle que les abus de biens sociaux ou les escroqueries, notamment lors des procédures liées à la restructuration et au traitement de l’insolvabilité d’une société ;
  • risque de blanchiment de fonds à l’occasion d’opérations immobilières auxquelles l’avocat est amené à prêter son concours. En matière de blanchiment, l’exposition à la menace est évaluée comme modérée, mais elle n’est pas caractérisée en matière de financement du terrorisme, l’instrumentalisation d’un avocat ne se révélant pas nécessaire à cet effet.

Mais en conclusion, l’ANR estime qu’en matière de blanchiment, l’exposition à la menace est modérée.

 

L’ANR a néanmoins identifié certaines vulnérabilités liées aux missions de séquestre et au fait de voir transiter à cette occasion par l’intermédiaire des avocats des sommes d’origine frauduleuse ; à la nature de la relation d’affaires entretenue avec les clients ; ou aux missions de conseil juridique et fiscal.

 

Dans les conditions de cette analyse nationale des risques, la profession d’avocats apparaît exposée à la menace de blanchiment de capitaux.

 

II – LE PERIMETRE DU DISPOSITIF DE LCB-FT

La législation et la réglementation générales anti-blanchiment et financement du terrorisme résultent du titre VI du livre V du Code monétaire et financier (CMF).

 

Elles reposent sur trois principes : l’obligation de vigilance à raison des relations d’affaires, en vue de détecter d’éventuelles tentatives de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ; l’obligation déclarative, auprès des autorités, des opérations ainsi suspectées et enfin l’obligation d’application du gel des avoirs, décidé par les autorités, nationales ou internationales, à l’encontre d’une personne en particulier.

 

En vertu du 13°) de l’article L561-2 de ce code, les avocats y sont tous personnellement soumis, tant en qualité de personnes physiques que morales, quels que soit le mode d’exercice, la structure et la spécialisation ; mais certaines de ces obligations s’appliquent à eux dans un cadre précis et bénéficiant de certaines limitations.

Ainsi et en toutes circonstances, l’obligation de vigilance vis-à-vis de leurs clients et des opérations qu’ils conduisent s’impose aux avocats, de même que l’obligation d’appliquer d’éventuelles mesures de gel des avoirs.

 

En revanche, ils sont assujettis à l’obligation de déclaration de soupçon à raison seulement de certaines diligences et notamment lorsqu’ils exercent une activité de fiduciaire, lorsqu’ils agissent en qualité de conseils fiscaux et enfin lorsqu’ils interviennent dans la préparation ou la réalisation de certaines transactions (vente d’immeubles ou de fonds de commerce ; gestion de titres, fonds ou autres actifs ; ouverture de comptes bancaire, d’épargne, de titres ou de contrats d’assurance ; organisation d’apports en société ; constitution, gestion ou direction de sociétés, de fiducies ou de structures assimilées ; ou encore de fonds de dotation ou de fonds pérennité).

 

Le Code monétaire et financier, au contraire, exempte les avocats de produire une telle déclaration lorsque leur activité se rattache à une procédure juridictionnelle ou lorsqu’ils prodiguent des consultations juridiques ; sauf évidemment, dans les deux cas, si l’activité dont il s’agit est sciemment déployée « aux fins » de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ».

 

III – LE ROLE DES CARPA

L’ordonnance n° 2020-115 du 12 février renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) a ajouté les CARPA à la liste des professionnels tenus aux devoirs de vigilance et de déclaration définis par le CMF.

 

Ainsi, les avocats dont les obligations de vigilance et de déclaration sont identiques, qu’ils manient ou non les fonds attachés aux opérations juridiques auxquelles ils prêtent leur concours, sont protégés contre les risques liés à ces flux financiers, dont la conformité est contrôlée par la CARPA.

 

Les CARPA constituent un instrument essentiel des Conseils de l’Ordre, dédié au contrôle et à la régulation des maniements de fonds accomplis par les avocats ; elle est un élément clé du dispositif de lutte contre le blanchiment de la profession d’avocat et de l’autorégulation assurée par les ordres.

 

IV – LE CONTRÔLE DU CONSEIL DE L’ORDRE

La loi du 31 décembre 1971 (art 17, 13°) et l’article L 561-36 du Code monétaire et financier instituent les Conseils de l’ordre, autorités de contrôle et de sanction, afin de garantir l’application de la législation contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

 

Les ordres doivent ainsi contrôler, sur pièce et sur place, le respect par chaque avocat des obligations LCB-FT au regard notamment des risques identifiés par le Conseil National des Barreaux et notamment vérifier que l’avocat a mis en place des procédures internes, pour :

 

1° – Identifier ses nouveaux clients avant l’entrée en relation d’affaires et vérifier les éléments d’identification recueillis ;

2° – Apprécier la nature et la portée des opérations pour lesquelles il est consulté et assurer la traçabilité de leurs bénéficiaires effectifs ;

3° – Adapter sa vigilance en fonction des risques et la maintenir pendant toute la relation d’affaires.

4° – Conserver ces informations pendant 5 ans à compter de la fin de la relation d’affaires.

 

Le contrôle consiste donc, d’une part, à examiner l’organisation et les procédures internes de l’avocat en matière de LCB-FT et, d’autre part, à analyser ses diligences mises en œuvre au regard de son degré d’exposition au risque en cette matière.

 

Plus précisément, ces contrôles visent à s’assurer notamment :

 

– de la réalisation d’une cartographie du cabinet, mesurant son niveau d’exposition aux risques liés au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme ;

– de l’existence d’une classification des clients et de leurs opérations, en fonction de leurs particularités, au regard de ces risques ;

– de la cohérence de l’évaluation des risques avec les caractéristiques du cabinet, de sa clientèle et de son activité ;

– du respect des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme lors de l’acceptation de la mission ou de la prestation ;

– de l’existence de procédures internes propres à garantir la pertinence, l’efficacité et la pérennité de l’organisation LCB-FT du cabinet.

 

V – LES RESULTATS DES CONTROLES REALISES A CAEN EN 2022

Dans un but de transparence, les articles L561-36 et R561-41-1 du Code monétaire et financier commandent aux conseils de l’ordre, comme à toutes les autorités de contrôle similaires, de publier annuellement, sur leurs sites Internet, un rapport relatif à leurs activités de surveillance et de sanction.

 

Son contenu, arrêté par décret en conseil d’État, comprend :

– le nombre et la description des mesures de contrôle des obligations LCB-FT ;

– l’exposé quantitatif, rendu anonyme, des échanges d’informations avec la cellule de renseignement financier (Tracfin) ;

– l’indication des sanctions prises, le cas échéant, sur le fondement de l’irrespect des règles de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

 

Dans le ressort du Barreau de CAEN, au titre de l’année 2022, cette campagne a mobilisé 16 contrôleurs.

 

Ces contrôles ont concerné 23 cabinets représentant 29 avocats.

 

Effectués sur place, les contrôles ont permis l’examen des cartographies de cabinets, des classifications des clients et des opérations au regard des risques, ainsi que des procédures LCB-FT internes et du niveau d’implication des avocats vérifiés.

 

Aucun contrôle n’a révélé d’abstention délibérée ou de carence inexcusable dans l’application des règles LCB FT et aucune procédure de sanction n’a dû être engagée.

 

Au cours de la même période, le bâtonnier de Caen n’a pas eu à relayer, en application de la procédure spéciale prévue à l’article L561-17 du Code monétaire et financier, de déclaration de soupçon, de signalement ou de révélation d’infraction auprès de Tracfin.

 

A Caen, le 3 Avril 2023